Série 2, épisode 9 : "Regard noir"

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Episode 9 : regard noir

• A quoi ça ressemble, une personne handicapée ?

• Aveugle, c’est pire que sourd ?

• Mais que fait la police ?

A savoir

Je vais vous proposer un truc : on va inventer le compassiomètre. Super pratique. Plus de risque de se tromper sur quelqu’un, ou d’adopter une attitude… comment disent les américains ? Inappropriée.

C’est pas compliqué, hein, un petit boitier, qui mesure le niveau de malheur ou de détresse ou de handicap de quelqu’un et hop, tout de suite, une note sur 10. Comme ça, j’a plus qu’à adopter la mine appropriée. Un peu d’entraînement, le soir, devant son miroir, vous verrez, ça vient vite…

Situation #1 :

Celle-ci essaye de faire croire qu’elle ne va pas bien. Mouais, j’ai un gros doute, là : hier elle avait l’air en pleine forme. Paf ! la voilà démasquée : 1/10, il dit, le compassiomètre.

Direct, je la fusille du regard (ça marche à tous les coups). Du genre, « comment oses-tu usurper la compassion (et les places) des gens, vile manipulatrice ? ». Non mais. Je suis sure qu’elle culpabilise à mort, elle ne recommencera jamais.

Situation #2 :

Houlà, celle-ci a l’air vachement handicapée ! Zoum, le boitier. 8/10 (trop facile, ça se voyait à l’oeil nu). Direct j’enfile mon costume de sauveur de la veuve et de l’orphelin. Vite, vite, levez-vous tous, laissez LUI la place. Vous voyez pas ? Elle souffre, au secours. ALLEZ-Y MADAME ASSEYEZ VOUS. Pas à dire, je suis un mec bien…

Et sinon, on peut aussi s’exercer à ne pas penser à la place des autres. On peut se dire que 80% des handicaps sont invisibles. Qu’il n’existe pas de hiérarchie dans le handicap, ou que chacun peut le vivre différemment un jour ou un autre.

Civisme, ou attention ne sont pas fournis avec képi et bâton blanc. 

Facile à dire, pas facile à faire. C’est certain. Tiens, les conseils de Diane peuvent tous nous aider…

 

Aller plus loin

• Il ne peut pas faire un petit effort des fois, quand même, avec tout ce qu’on fait pour lui?

Adapter l’environnement aux possibilités de la personne handicapée, ou changer les habitudes pour permettre à la personne handicapée de participer, peut sembler un poids pour l’environnement professionnel, familial, amical ou social, d’autant que cette préoccupation doit être répétée ou permanente. La solution est dans le dialogue entre les différentes parties et leurs contraintes, néanmoins il faut garder en tête que la personne handicapée a des limitations fonctionnelles qu’elle ne peut pas « choisir » ni repousser, et que, même si elle a l’habitude d’expliquer son handicap et d’être pédagogue sur ses besoins, cela demande de l’énergie au jour le jour. 

 Expliquer son handicap est particulièrement un effort pour les situations très ponctuelles, avec des personnes que l’on ne croise que quelques minutes, et pour lesquelles on aimerait ne pas avoir à raconter sa vie pour se justifier (la justification étant souvent plus demandée pour une personne portant un handicap invisible) : à l’accueil d’un magasin pour pouvoir utiliser l’élévateur, dans le bus pour pouvoir occuper une place accessible réservée, dans un restaurant pour avoir accès aux toilettes accessibles, etc.

Des personnes handicapées peuvent ainsi se sentir découragées, ou ponctuellement découragées, et se mettre en retrait de la vie sociale (amicale, professionnelle, sociale) pour ne pas « déranger » les autres, ne pas passer pour des « emmerdeurs », ou ne pas causer de soucis supplémentaires à leurs différents entourages qui devraient autrement s’adapter au handicap.

 

• Est-ce qu’une personne handicapée est un super-héros ?

Une personne en situation de handicap fait face chaque jour à des difficultés matérielles supplémentaires à celles d’une vie sans handicap. Physiquement, on dit parfois que ce sont des « champions olympiques du quotidien », quand l’environnement n’est pas adapté et qu’il leur faut constamment compenser le handicap par des aides techniques, de l’organisation, demander fréquemment de l’aide à autrui en étant pédagogue sur son handicap, faire preuve de patience et de persévérance pour parvenir à ses fins, autant que de débrouillardise. Selon les maladies les soins peuvent également être très prenants, voire fatigants. La personne handicapée a dû s’habituer dans le temps à des éléments qui, à vos yeux, sembleraient impossibles à supporter ponctuellement.

Si le handicap est survenu récemment, il est possible que la personne n’ait pas encore eu le temps, les moyens ou la possibilité pour adapter son environnement, « apprendre » son handicap, et faire le deuil de ses fonctionnalités perdues. Elle sera alors moins à l’aise pour en parler et connaîtra encore mal ses propres besoins.

Même s’il faut beaucoup d’énergie et de force pour surmonter ces épreuves, et même si elles peuvent influer sur la personnalité ou sur l’humeur (comme d’autres épreuves de la vie), le handicap ne transforme pas pour autant la personne qui le porte en super-héros ni en petit ange. Gardez-le en tête, sous peine de projeter sur la personne handicapée des traits de caractère erronés ou d’attendre d’elle l’impossible en croyant qu’elle sera forcément :

  • une personne qui serait toujours gentille et patiente. C’est une personne comme une autre, qui passe par des moments d’humeurs différentes. L’énergie nécessaire pour compenser le handicap et la patience pour surmonter les obstacles peuvent parfois aussi à l’inverse peser sur l’humeur de la personne handicapée. 
  • une personne qui serait sans autorité (hiérarchique notamment en milieu professionnel) ou sans personnalité propre. C’est une personne avant d’être une personne handicapée.
  • une personne qui serait toujours en demande d’aide ou jamais autonome. La personne handicapée peut être totalement autonome dans certaines situations ou certains lieux, et même parfois accepter de s’aventurer dans des choix plus « risqués », pour tester son indépendance ou simplement pour vivre des choses, comme tout le monde. Dépendre fortement d’une tierce personne implique aussi de devoir s’adapter à ses humeurs et ses contraintes, peut faire se sentir diminué puisque dépendant du bon vouloir de l’autre, alors que la personne handicapée peut avoir des contraintes non compatibles (horaires, lieux) ou des aspirations divergentes. La recherche de l’autonomie maximale doit donc être la règle première absolue, avant de créer toute relation de dépendance vis-à-vis de une ou plusieurs personnes.
  • une personne qui vous serait toujours redevable de votre gentillesse, et qui devrait déjà être bien contente que quelqu’un l’aide. Il faut éviter le schéma qui consiste à ce qu’une personne valide s’épuise en voulant toujours trop aider un « pauvre » collègue handicapé, puis retourne sa lassitude contre la personne handicapée qui ne lui paraît pas assez « redevable » et qui passe involontairement du statut de « victime » à celui de « bourreau », les deux étant bien sûr inadaptés à la réalité.
  • une personne qui ne se découragerait jamais devant un obstacle du fait des épreuves qu’elle a déjà l’habitude d’affronter. Comme tout le monde, sa forme peut varier d’un jour à l’autre, et les difficultés se suivent sans forcément se ressembler. Il n’est jamais agréable d’être rappelé à sa condition de personne handicapée quand on pense avoir tout fait pour gagner son autonomie.
  • une personne qui serait sans autre défaut que son handicap. Comme une femme qui se sentirait coupable de partir du travail pour récupérer ses enfants, une personne handicapée en milieu professionnel peut se sentir coupable des « soucis » que cause son handicap et vouloir le surcompenser en étant parfaite à tous les autres points de vue, ce qui est impossible. 
  • une personne qui se contenterait de « survivre » et qui n’aurait pas la même diversité d’aspirations et d’ambitions que vous : aspirations familiales, professionnelles, sociales, culturelles, etc. 
  • une personne qui n’aurait pas d’autres soucis dans sa vie que ceux causés par son handicap.

 

• Une personne handicapée a-t-elle forcément « l’air handicapé »?

Beaucoup de handicaps (auditifs, psychiques), et même des handicaps dont des manifestations sont des incapacités motrices (par exemple des affections cardiaques ou respiratoires, des problèmes d’équilibre, etc.), peuvent être invisibles, ou bien invisibles dans certaines situations, ou bien invisibles à certains moments.  

Le handicap invisible est souvent très mal compris de l’entourage et mal accepté par la société, pouvant isoler et décourager la personne handicapée de participer à la vie sociale: on attend d’elle un comportement « normal » (alors qu’elle se comporte différemment du fait de ses limitations fonctionnelles dues au handicap), « sans chichis », puisqu’elle « n’a visiblement rien », et ses besoins ne sont pas pris en compte (elle n’obtient alors pas l’aide dont elle a besoin en réalité) car ils ne sont pas marqués sur son front. 

Des choses apparemment simples (comme passer deux marches ou prendre un bus pour une personne en situation de handicap moteur, ou bien passer un coup de téléphone ou avoir une discussion avec des amis dans un restaurant bruyant pour une personne en situation de handicap auditif) peuvent se compliquer fortement et l’anticipation de l’incompréhension et du rejet peut générer un stress important ou un découragement pour la personne handicapée ainsi que pour son entourage.

Le handicap invisible l’oblige également à se justifier et s’expliquer en permanence pour avoir accès aux aides dont elle a besoin : si pour une personne la station debout est pénible ou l’équilibre très fragile, elle aura besoin de s’assoir dans le bus sur les places accessibles, de demander la priorité dans une file d’attente, et ce même si elle n’est pas en fauteuil roulant, n’a pas de cheveux gris, ou ne porte pas un ventre de 8 mois de grossesse. Si elle ne peut pas soulever de charge même faible (problèmes au dos, aux bras, aux genoux, cardiaques ou respiratoires…), elle aura besoin d’aide pour porter des objets même légers ou pour passer des petits obstacles avec un sac roulant, et ce même si elle n’a pas d’écharpe autour du bras, de minerve au cou ou d’assistance respiratoire visible.

Il est plus difficile de comprendre les handicaps invisibles (le fauteuil roulant et la canne blanche sont en effet les deux représentations répandues du handicap), et d’adopter le comportement adapté vis-à-vis d’eux, et pourtant ce sont les plus nombreux. Adapter la société en la rendant accessible aux handicaps les plus « lourds » et les plus visibles (dont les besoins couvrent une large gamme d’adaptations) permet en réalité de rendre la société également accessible à toutes les personnes porteuses d’un handicap invisible et à toutes les personnes qui sont en situation de handicap, fut-il ponctuel. 

Commençons par ne pas juger notre voisin, il porte lui aussi peut-être un handicap invisible, de nature physique, sensorielle, psychique ou mentale.