Episode 10 : levons… nos verres !
• Se lever tient-il du miracle ?
• Sommes-nous différents debout ou assis ?
• A quand la prochaine série ?
A savoir
Les scientifiques l’ont prouvé : la raréfaction de l’oxygène a un effet sur les capacités cérébrales des individus. Plus on est en altitude, moins on est efficace. Il est donc scientifiquement démontré que s’adresser à une personne en fauteuil roulant en l’infantilisant n’a aucun sens. Au contraire : plus on est bas, mieux on comprend. Et comme 80% des personnes handicapées utilisant un fauteuil roulant sont des intermittents du handicap* – parfois dans leur fauteuil, parfois debout – plus la peine de changer de ton au milieu d’une phrase.
Plaisanterie mise à part, pas évident de savoir comment s’y prendre pour échanger avec une personne en fauteuil… sans la regarder de haut.
Mais, une fois encore, Diane a synthétisé quelques conseils. Aussi simples que pratiques. Parfois évidents, mais encore fallait-il y penser.
Merci Diane. Et à très vite.
* Expression inventée par l’association Apprivoiser les Syndromes d’Ehlers-Danlos (ASED pour parler des handicaps invisibles.
Aller plus loin
• Comment se positionner pour parler à une personne en fauteuil roulant
Pour parler à une personne en fauteuil roulant, mettez-vous à son niveau, par exemple en vous accroupissant ou en vous asseyant également sur une chaise. Lui parler debout peut être pour elle source d’inconfort physique, parfois important, surtout si la conversation est prolongée. Se mettre à son niveau est aussi un moyen de ne pas se mettre en position de supériorité.
De même, placez-vous en face d’elle avant de la saluer et pour lui parler : une personne handicapée n’a pas des yeux derrière la tête, tourner la tête ou le buste peut être pour elle difficile voire impossible, et tourner le fauteuil roulant n’est possible que si l’espace le permet, voire peut être un effort en soi (en particulier su des revêtements de type « moquette épaisse » où le fauteuil s’enlise, ou « tapis mal fixé » qui bouge en même temps que les roues du fauteuil).
Ne cherchez pas une proximité physique plus grande que celle que vous auriez avec d’autres personnes et laissez la possibilité à la personne de bouger le fauteuil roulant : inutile d’avancer le visage au-dessus du fauteuil roulant, surtout si l’espace ne permet pas de reculer le fauteuil roulant pour se distancier de vous.
Les lieux avec beaucoup de monde debout sont plus difficiles à supporter pour une personne en fauteuil roulant, car son visage est au niveau des postérieurs des gens, et qu’à l’encombrement horizontal se surajoute un « mur » vertical. Veillez à laisser un peu d’espace autour de la personne en fauteuil roulant, afin qu’elle ait un peu d’air et ne risque pas de rouler sur vos pieds à la moindre manoeuvre. Donnez-lui la priorité dans les files d’attentes, et ne la laissez pas stationner « le nez » contre une poubelle qui serait à sa hauteur. N’hésitez pas à lui proposer votre aide afin de diminuer son inconfort et qu’elle ait accès aux mêmes services que tout le monde : boissons et nourriture dans un cocktail, vue sur une projection de film ou sur la personne qui réalise un discours, créer une zone assise afin qu’elle puisse plus facilement discuter avec des personnes « à son niveau », etc.
• Est-ce que je peux toucher le fauteuil roulant d’une personne ?
S’appuyer sur le fauteuil roulant d’une personne sans lui demander son autorisation est une familiarité qu’on ne se permet pas du tout, au même titre que si l’on s’appuyait sur les genoux ou les épaules de cette personne. Le fauteuil roulant n’est pas un meuble mais une aide technique au corps de la personne, toucher le fauteuil de manière inopinée peut donc être vécu comme un geste intrusif de l’intimité. C’est valable même si l’accompagnant de la personne handicapée semble, lui, très familier avec le fauteuil roulant : vous n’avez pas sa connaissance de ce handicap et de ce fauteuil, ni sa relation avec la personne handicapée.
Ce peut également être ressenti de manière très inconfortable, les fauteuils roulants étant dans la mesure du possible légers et sensibles pour être plus maniables.
Saisir les poignées d’un fauteuil roulant pour déplacer la personne, même en supposant que vous vous y preniez correctement, sans lui demander au préalable, est également un geste tout à fait déplacé, comme si quelqu’un se mettait à vous porter sans vous avertir.
Plus largement il peut s’avérer dangereux de toucher, saisir, actionner ou déplacer une partie du fauteuil roulant sans avoir demandé l’autorisation préalablement à la personne qui l’occupe : vous pouvez la déséquilibrer, créer un inconfort, « désadapter » un équipement (par exemple certains accoudoirs ne sont pas accrochés et pourraient vous rester dans la main, vous pouvez dérégler un frein, une hauteur de repose pied, une inclinaison de dossier, etc.) ou l’empêcher de se mouvoir aisément (en la bloquant contre un mur par exemple). Ne lui saisissez pas non plus le bras ou la jambe, par exemple pour l’aider à tourner le fauteuil roulant, vous pourriez lui faire mal selon sa maladie. Il ne vous viendrait pas à l’idée de saisir la béquille ou la jambe d’une personne dans le plâtre…
Bref, adressez-vous à la personne handicapée pour lui proposer votre aide mais surtout demandez-lui au préalable de quelle aide elle a besoin et suivez ses conseils.
S’asseoir dans un fauteuil roulant ne porte pas malheur, et essayer un fauteuil roulant est souvent le seul moyen de se rendre vraiment compte de l’obstacle que constituent des pavés, un ressaut, un dévers ou une porte lourde. En revanche, ne vous asseyez jamais dans le fauteuil qui appartient à une autre personne sans lui demander son autorisation : vous risqueriez de changer des réglages permettant son autonomie, ou de faire des mouvements inappropriés pouvant endommager le fauteuil roulant, qui est spécialement adapté pour la personne handicapée (son poids, sa taille, sa force, voire sa voix et son souffle).
• Comment gérer la relation d’aidant à aidé ?
Une relation de dépendance et d’aide est délicate à gérer des deux côtés, pour l’aidant comme pour l’aidé. Elle demande de l’énergie aux deux parties pour se comprendre et respecter les contraintes de chacun.
Expliquer son handicap demande de l’énergie, et il faut garder en tête que toutes les personnes handicapées ne sont pas forcément capables de formuler clairement ou efficacement leurs besoins, surtout si le handicap est récent, si la personne ne s’y est pas encore adaptée, ou si la situation est inédite.
La personne handicapée peut également, comme tout le monde, éprouver de la fatigue ou de la lassitude, voire de l’énervement, majorées par l’énergie nécessaire pour surmonter les obstacles « quotidiens », la frustration de ne pas être autonome, voire la douleur physique ressentie. Dépendre fortement d’une tierce personne implique aussi de devoir s’adapter à ses humeurs et ses contraintes, (comme dans l’épisode 9, quand Christie ne veut pas être en retard alors que Jean-Luc ça ne le dérange pas), peut faire se sentir diminué puisque totalement dépendant du bon vouloir de l’autre, alors que la personne handicapée peut avoir des contraintes non compatibles (horaires, lieux) ou des aspirations divergentes.
La recherche de l’autonomie maximale doit donc être la règle première absolue, avant de créer toute relation de dépendance humaine vis-à-vis de une ou plusieurs personnes.
A l’inverse s’adapter au handicap demande de la part de l’aidant de la patience et du recul. Il faut éviter le schéma qui consiste à ce qu’une personne valide s’épuise en voulant toujours trop aider un « pauvre » collègue handicapé, puis retourne sa lassitude contre la personne handicapée qui ne lui paraît pas assez « redevable », et qui passe involontairement du statut de « victime » à celui de « bourreau », les deux étant bien sûr inadaptés à la réalité.
La meilleure aide que vous pouvez apporter à une personne handicapée est de lui offrir son autonomie, et donc qu’elle n’ait plus besoin de vous.